Elles sont appelées maladies rares dans certains pays ou continents, maladies négligées au Congo. Ne bénéficiant que d’une attention limitée de la part des décideurs, des chercheurs ou encore des donateurs (la priorité étant accordée aux maladies « actuelles »), la maladies tropicales négligées continuent, dans un silence alimenté par l’oubli volontaire, de nuire, le Docteur François MISSAMOU, Coordonnateur national des maladies tropicales négligées évoque avec notre rédaction la situation de ces maladies au Congo.
GROUPE CONGO MEDIAS : Qu’appelle-t-on maladies tropicales négligées ?
Dr François MISSAMOU : Les maladies tropicales négligées sont un groupe de maladies qui jusqu’à un passé récent avaient moins d’attention. Après tout le monde a réagi au dernier moment pour dire que nous devons tous faire quelque chose. C’est pour cela qu’on les appelle maladies tropicales négligées.
G.C.M : Le vocable « négligées » renvoie à une attitude volontaire. Est-ce dire que c’est volontairement que ces maladies sont négligées ?
Dr F.M : Volontairement ? C’est par la faute de tout le monde. On les appelle négligées simplement parce que les gouvernements des pays touchés par ces maladies n’accordaient pas suffisamment de soutien à ceux qui pouvaient agir pour trouver des solutions contre ces maladies et les donateurs étaient préoccupés par d’autres maladies. Et aujourd’hui, tout le monde se rue sur le paludisme, le sida, la tuberculose, pendant que celles-là existaient depuis des vieilles années. Même chose pour les chercheurs, il y avait moins d’engouement sur la recherche contre ces maladies si bien que beaucoup de ces maladies ont à peine un ou deux médicaments pour les soigner et pour d’autres on continue à chercher des molécules qui peuvent aider à les soigner.
G.C.M : Pouvez vous en énumérer quelques unes ?
Dr F.M : Pour le Congo, dans notre plan national de lutte contre les maladies tropicales négligées nous les avons classées en trois groupes. Le premier, ce sont des maladies tropicales négligées à chimiothérapie préventive. C’est-à-dire des maladies pour lesquelles le médicament existe et on peut confier la responsabilité à la communauté de le distribuer elle-même. C’est un traitement de masse , on n’a pas besoin de faire un diagnostique individuel pour lancer le traitement. Il s’agit de l’Onchocercose, la Filariose lymphatique, les Géo helminthiases et le Trachome. Le deuxième groupe est constitué des maladies à prise en charge des cas. Ici, il faut nécessairement dépister le cas et lui donner un traitement. Dans ce groupe, nous avons la Lèpre, l’Ulcère de Buruli, et la Trypanosomiase ou maladie du sommeil. Le troisième groupe enfin, est constitué des maladies qui demandent soit un traitement individuel, soit un traitement de masse mais pour lesquel on a encore moins de soutiens. Dans ce groupe nous avons les complications de la filariose lymphatique, le Chikoungounia, la Rage, la Dengue et le Pian.
G.C.M : Jusqu’à quand va-t-on continuer de parler de ces maladies ?
Dr F.M : Vous savez, ce sont des très vieilles maladies, je prends par exemple le cas de la lèpre dont on parle dans la bible. Pourtant depuis un certain temps nous parlons de l’élimination de son élimination mais elle est encore là. Cela va tenir compte de la volonté que les Etats et les donateurs manifesteront ensemble pour lutter efficacement contre ces maladies. Toutes ces maladies sont éliminables à condition qu’on mette en jeu les moyens nécessaires. C’est de la volonté politique des pays et celle donateurs pour aider ces pays qui est indispensable.
G.C.M : Quelles sont les actions que la Direction Générale l’Epidémiologie met en œuvre pour l’élimination des maladies tropicales négligées ?
Dr F.M : Le gouvernement n’a pas croisé les bras bien que ces maladies existent depuis longtemps. Des programmes avaient été créés depuis 1984 dont le programme de lutte contre l’onchocercose, la trypanosomiase et contre la schistosomiase. On a élaboré un plan directeur de lutte contre les maladies tropicales négligées qui a été adopté en mai 2013 et là nous sommes en train d’élaborer un deuxième en 2018. Dans le premier plan, le gouvernement a mis l’accent sur la cartographie de la maladie. Tout ce travail a été fait pendant le premier quinquennat de ce plan directeur de 2013 à 2017 au cours duquel nous avons insisté sur la finalisation de cette cartographie. Aujourd’hui, nous savons où trouver ces différentes maladies du pays au Congo. Je dirais par exemple que l’onchocercose sévit dans six départements dont Brazzaville, le Pool, la Bouenza, le Niari, le Kouilou et la Lekoumou ; la filariose lymphatique touche douze districts sanitaires de sept départements. Partout où l’on pouvait circonscrire la maladie, on a démarré aussi les traitements de masse. Ainsi, dans cette action nous sommes accompagnés par l’OMS qui à travers les partenaires a réussi à nous trouver les médicaments que nous donnons gratuitement aux populations dans le cadre des traitements de masse.
G.C.M : Quel message pour ceux qui sont pessimistes à la prise des médicaments ?
Dr F.M : Nous constatons que certaines personnes sont réticentes à ce qui est donné gratuitement. Elles pensent que cela ne soigne pas ou que c’est de peu de valeur, alors qu’elles se trompent fortement. Nous avons tous besoin de prendre le médicament quand il est distribué dans une localité donnée.Ecoutez la version audio de cet entretien en cliquant ici